Maudez est membre du clergé monastique Breton (comprendre, Britannique) quand il s'installe au sixième siècle en Armorique pour desservir ses compatriotes émigrés et évangéliser les populations côtières résidentes. Il décédera très probablement sur l'île qui porte aujourd'hui son nom (Modez) dans l'archipel du Bréhat.
Vers 880, les religieux installés sur l'île furent contraints de fuir les invasions vikings pour trouver refuge à Bourges où ils résidèrent, avec la dépouille de leur saint fondateur, jusqu'au dixième siècle. Une partie d'entre eux regagnèrent par la suite l'Armorique, mais pas tous. C'est à ce moment là que commencèrent la dispersion des reliques de Maudez et la diffusion de son culte sur le continent. C'est dans ce prolongement que fut édifié à l'ouest de la forêt de Vincennes une chapelle sous l'invocation du nom transformé de Maudez : Mandé
Image : ancienne chapelle désaffectée en 1891 puis démolie en 1996.
Aux origines de la localité, une chapelle
Développement du hameau
A la chapelle s'annexa ensuite un prieuré simple placé sous la dépendance de l'abbaye bénédictine de Saint-Magloire (disparue, l'abbaye se situerait près de l'actuelle église parisienne Saint-Leu-Saint-Gilles, rue Saint-Denis) et desservi originellement, fautes des ressources nécessaires, par un unique religieux. La situation évolue en 1240 par l'injonction du légat du pape alors en visite à Saint-Magloire et contraignit la communauté à afférer davantage de religieux.
Aux premiers habitants ecclésiastiques s'ajoute très rapidement une population de laïcs essentiellement composée de laboureurs et de vignerons. Un hameau, dépendant de la paroisse de Saint-Maurice-Charenton se forme alors autour d'un carrefour, approximativement celui des actuelles rues Jeanne d'Arc et Renault.
Progressivement, toute une hiérarchie se met en place pour les habitants laïcs de ce qui devient lentement mais surement, le long du mur ouest du parc de Vincennes, un village dont les terres sont toutes ou presque administrées depuis le manoir seigneurial à l'angle des actuelles rues Jeanne d'Arc et du Général de Gaulle.
Survivance des régimes féodaux du Moyen-Âge, la Seigneurie de Saint-Mandé n'est plus qu'une importante propriété foncière de huit hectares au XVIIIe siècle. Le manoir forme alors un ensemble assez hétéroclite de bâtiments qui ne comportent pas plus de deux étages et vingt-quatre fenêtres de façade autour desquels gravitent le logement du jardinier, des parterres, des bosquets, un potager, un fruitier, un petit étang ou réservoir, un pressoir, un colombier à pied et une glacière.
Image : plan Roussel où l'on devine l'emprise foncière du manoir.
Le village sous l'Ancien Régime : la Seigneurie
En 1655, au lieu dit de l’Épinette, sur des terres appartenant à la Seigneurie de Bercy, Nicolas Fouquet fit l'acquisition de deux propriétés mitoyennes assorties de quatorze arpents de parc, acquises auprès de Catherine Bellier, première femme de chambre d'Anne d'Autriche, pour s'installer près du cardinal Mazarin qui résidait une partie de l'été à Vincennes.
Agrandie de quelques maisons avoisinantes et de pièces de terre arrachées, moyennant finance, à des vignerons de Saint-Mandé, de Charenton et de Saint-Maurice, la propriété compta très vite près de vingt hectares et était alors plus vaste que le domaine seigneurial.
Les bâtiments furent profondément remaniés et plusieurs corps de logis ainsi qu'une chapelle furent construits. La disposition exacte de cet ensemble hétéroclite, s'ouvrant sur six cours intérieures, est assez mal connue. Aucune estampe, aucun plan précis ne nous restitue la configuration des pavillons, et moins encore la beauté du lieu tant vantée par l'abbé de Marolles.
Si l'extérieur était banal, l’intérieur offrait l'aspect d'un palais élaguant, luxueux, privilégiant les raffinements intimes aux perspectives grandioses.
Une immense bibliothèque en bordure des jardins accueillait 27 000 ouvrages (à titre d'exemple, seule la collection du cardinal Mazarin égalait celle de Fouquet avec 50 000 volumes et 400 manuscrits). L'accès se faisait par une galerie d'accès décorée de treize divinités de l'Olympe en marbre, de trente-trois bustes de marbre et de bronze et de deux sarcophages égyptiens.
L'élégante splendeur des bâtiments se complétait d'un admirable jardin d'une trentaine d'arpents s'étendant vers Paris, et qui nécessitèrent d'importants travaux de remblais pour combler un vallon, d'une resserre proche de la bibliothèque pour contenir ce qu'on n'avait pu y exposer, de serres et d'une orangerie de près de deux cents spécimens.
Saint-Mandé était alors, entre 1654 et 1661, le principal foyer du rayonnement littéraire et artistique de France !
La propriété resta quelques années à l'abandon après l'arrestation du Surintendant et en 1664 le domaine passa aux mains de ses créanciers. Un lent démembrement commença alors.
Image : extrait du plan du domaine de Fouquet à Saint-Mandé.
Le village sous l'Ancien Régime : Nicolas Fouquet
Non loin de là, à l'angle de l'actuelle place Charles Digeon, le cardinal Mazarin fit édifier en 1658, dans le cadre des grands travaux du château de Vincennes, une ménagerie royale sous la direction de Louis Le Vau.
Le lieu connut toutefois un déclin rapide. Louis XIV avait en effet ses propres projets pour Versailles et, sitôt Mazarin disparu, il commença à délaisser Vincennes et sa région. En 1694, on n'y entretenait plus qu'un tigre, un léopard une louve, un aigle et quelques dogues. En 1706, tous les animaux furent transférés à la ménagerie du Jardin du roi, à Paris, et le bâtiment servit par la suite de siège à la capitainerie des chasses de Vincennes.
Au XIXe siècle, il ne restait à Saint-Mandé que le petit logis d'entrée dont la façade donnait sur la place de la mairie.
Image : extrait du plan de Saint-Mandé en 1782.
Le village sous l'Ancien Régime : la ménagerie
L'Ancien Régime s'achève par la Révolution et avec lui un certain nombre de pratiques. Un décret du 14 décembre 1789 fit alors table rase de toutes les structures communales anciennes dans le but de réorganiser leur administration et d'en accroître leur autonomie. Saint-Mandé ne compte alors que deux cents habitants quant elle prit la décision, à la nouvelle de ce décret, de faire part aux représentants de la Nation Française de son désir d'indépendance vis-à-vis de la commune de Saint-Maurice-Charenton sur les motifs de son éloignement d'une lieue de l'église paroissiale et de sa position géographique en étau entre les barrières d'octroi de Paris et du parc de Vincennes qui en rendait les environs dangereux et difficilement administrable.
L'indépendance fut finalement proclamée par le nouveau corps municipal en la chapelle du prieuré et sans en attendre l'autorisation. La réaction des notables de Saint-Maurice-Charenton ne se fit pas attendre. Ils sollicitèrent aussitôt l'arbitrage de l'Assemblée, mais en vain, le décret du 19 octobre 1790 donna définitivement raison à Saint-Mandé.
Image : extrait de la délibération du premier Conseil municipal.
Indépendance de la municipalité
Les Régimes politiques se succédèrent et le centre névralgique de la localité se déplaça, du carrefour du village vers la place du Bel-Air (actuelle place Charles Digeon). Saint-Mandé poursuivit sa lente et paisible croissance jusqu'en 1840, date à laquelle elle prit connaissance d'une ordonnance royale prescrivant la construction d'une enceinte fortifiée autour de Paris ; coupant ainsi son territoire communal en deux.
Le corps municipal proposa aussitôt à ce que ces nouvelles fortifications soient avancées jusqu'au mur du parc de Vincennes mais en vain, l'appel restera lettre morte. Et ce n'est que vingt ans plus tard, en 1860, qu'interviendra l'inévitable mutilation, l'annexion de 143 hectares du territoire de Saint-Mandé au profit de la ville de Paris, faisant ainsi passer la population de 5.292 à 2.822 habitants.
Parallèlement, l'Etat rattacha les 126 hectares Saint-Mandéens du parc de Vincennes à la ville de Paris, resserrant la commune sur 92 derniers hectares (physionomie actuelle de la commune).
Image : extrait du plan Gustave Barba en 1860.
Premières modifications territoriales
Cette douloureuse mutilation fut toutefois très vite oubliée.
Sous l'impulsion de l'Etat impérial, Paris fut transformé et le parc de Vincennes réaménagé en une grande promenade publique (ou presque, puisque l'armée en garnison au château de Vincennes garda de nombreuses emprises) donnant de la valeur aux terrains proches.
C'est donc délestée de la partie la plus faubourienne de son territoire que Saint-Mandé se met alors à prospérer. De nombreuses rues sont ouvertes, une nouvelle mairie est édifiée, des écoles sont construites (à l'emplacement de l'actuelle médiathèque), l'édification d'une église est décidée et de belles propriétés voient le jour un peu partout. Le mouvement se retrouve soudainement accompagné en 1859 par l'ouverture d'une gare Saint-Mandéenne sur la ligne du chemin de fer de Paris-Bastille à La Varenne-Saint-Maur.
Saint-Mandé poursuit alors son essor, progressivement les endroits déserts et mal famés disparaissent et en 1910 la prolongation de Grande-Rue vers la Demi-Lune (actuelle avenue du Général de Gaulle) métamorphose tout un pan de la ville en un grand quartier résidentiel recherché. Saint-Mandé dénombre alors, en 1911, 19.227 habitants.
Image : photographie de la gare de Saint-Mandé, ligne de Vincennes.
Essor de la commune
L'enceinte de Thiers est progressivement détruite à partir de 1919 et avec elle naît l'espoir pour Saint-Mandé d'accroître son territoire sur l'emprise de 250 mètres de largeur que constitue la zone des servitudes militaires (c'est d'ailleurs dans l'optique de voir considérablement augmenter la population comprise entre l'avenue Victor Hugo et la commune de Montreuil-sous-Bois que fut construite sur territoire Vincennois l'église paroissiale de Saint-Louis-de-Vincennes-Saint-Mandé).
Mais les choses ne se présentèrent pas comme la Municipalité l'aurait souhaitée. L'Etat décida en effet d'affecter les terrains de la zone des servitudes militaires à la ville de Paris sans prendre en compte, selon les édiles Saint-Mandéens, la frontière naturelle que représenta le boulevard Carnot (actuel boulevards de la Guyanne et Carnot) dans sa globalité. De nombreux terrains se retrouvèrent ainsi séparés de la ville entre l'avenue Alphand et le cours de Vincennes et menèrent la Municipalité à présenter en 1913 une requête qui n'aboutira pas.
En 1969, la construction d'un boulevard périphérique enterra tout espoir de redéfinition des limites actuelles de la commune.
Image : photographie de la construction du périphérique en 1969.